Martin et JMP,
Je pense sincèrement qu'avec vos deux dernières interventions (que j'ai beaucoup apprécié par ailleurs), les choses se sont fort éclaircies (dans ma tête en tout cas...(bbb)). Je sens même que nous sommes proches d'être d'accord sur presque tout (à l'exception peut-être de nos goûts respectifs pour tel ou tel type de vin, rien de plus normal ma foi...)
J'ai bien conscience, rassurez-vous, que ma prise de position de départ est très tranchée et certainement trop simpliste. Rien de tel néanmoins qu'un peu de provocation au départ pour déboucher au final sur un débat qui, contrairement à ce que certains ont pu en penser, me semble très intéressant, dans la mesure où il a pu faire apparaître des nuances susceptibles de faire évoluer les positions de chacun (la mienne en particulier, ce n'est déjà pas si mal...(bbb))
"Je ressens par contre que, voulant avoir raison à tout prix, vous avez... changé de ton au fur et à mesure."
Vous avez raison, j'ai effectivement changé de ton, mais pas pour avoir raison à tout prix, plutôt pour les raisons évoquées plus haut. Dans un débat, il y a le temps de la provocation, vient ensuite le temps de l'explication, de l'argumentation et des nuances ; le ton n'est forcément pas le même...
Le principal point de discorde est sans conteste venu d'un malentendu, à savoir que Martin évoque le Très Grand Vin, et moi plutôt le "bon vin" accessible, et que ce qui vaut pour l'un ne vaut pas forcément pour l'autre.
Je m'explique : Pour simplifier les choses, comme le propose JMP, oublions le millésime. Je pense que tout le monde sera d'accord sur le fait qu'un grand viticulteur sur un grand terroir, cela donnera un grand vin. De même, un terroir moyen donnera le plus souvent un vin moyen, sauf si le viticulteur est grand, parvenant ainsi à magnifier son terroir. Un viticulteur moyen, quant à lui, produira le plus souvent des vins moyens, sauf si le terroir est grand, ce dernier pouvant donner au vin une grandeur "naturelle", sans que l'action de l'homme ne soit prépondérante. Si le viticulteur ou le terroir sont mauvais, le vin sera mauvais (mais peut-être un peu moins mauvais si c'est un grand viticulteur sur un mauvais terroir que si c'est un mauvais viticulteur sur un grand terroir... (bbb) ... et voilà que je recommence... pourtant j'avais fait de gros efforts jusqu'ici(jjj))
Donc, et je pense faire un grand pas dans votre direction en affirmant cela, sur les grands terroirs, l'action de l'homme est moins prépondérante qu'ailleurs, et le fait que le vin soit grand est essentiellement (mais pas seulement) due au fait que le terroir soit grand.
Le seul problème, c'est que les grands terroirs ne représentent qu'un tout petit pourcentage de terroirs bourguignons (je dirais au maximum 5-10 %, à savoir les grands crus et les meilleurs premiers crus).
Pour la toute grosse majorité de la production, je reste convaincu que l'homme redevient prépondérant dans le résultat final (j'ai dit prépondérant, ce qui ne veut pas dire que le terroir ne joue aucun rôle), et que tout le raisonnement que j'ai tenté d'expliquer dans les posts précédents est d'application.
Pour tenter d'illustrer mes propos, je choisirai à nouveau l'exemple des vins de Charlopin (le fait qu'on aime ou qu'on n'aime pas ce style n'a que peu d'importance dans la démonstration...), dont j'ai récemment effectué une dégustation de 5 vins d'appellation villages, donc a priori sur des terroirs considérés comme moyens. Il y avait un Marsannay En Montchenevoy, un Gevrey-Chambertin Vieilles Vignes, un Morey-Saint-Denis, un Chambolle-Musigny et un Vosne-Romanée, tous dans le millésime 1999. Ces cinq vins avaient manifestement en commun un style apporté par le vinificateur, qu'on peut ou pas apprécier. Néanmoins, il est apparu clairement à tous les dégustateurs que les différences entre les cinq cuvées étaient nettement perceptibles et correspondaient parfaitement aux différences de style qu'on est en droit d'attendre de vins issus de ces cinq communes. Malgré un style commun, que certains qualifieront de moderne, la typicité apportée par le terroir était bien perceptible. Voilà qui met de l'eau au moulin de votre thèse. Par contre, il est également clair pour moi qu'il y a plus de différences entre un Marsannay "moyen" (si tant est que cela existe...) et le Marsannay de Charlopin qu'entre ce dernier et les quatre autres cuvées dégustées de ce producteur. C'est dans ce sens qu'il faut comprendre ma phrase : "Plus que la qualité du terroir ou sa réputation, c'est la qualité du producteur qui est primordiale en Bourgogne".
Et je pense que ce raisonnement est valable quel que soit le style adopté par le viticulteur, car même chez les "modernes", les différences apportées par le terroir sont facilement décelables dans une dégustation comparative, même en vin jeune. Ainsi, si vous préférez le style "classique", vous allez d'abord choisir un producteur adoptant ce style dans sa manière de vinifier et d'élever ses vins, et ensuite choisir le terroir qui correspond le mieux à vos goûts.
Cette position vous paraîtra sans doute plus modérée que la première que j'avais énoncée, elle n'en reste pas moins très proche sur le fond.
Luc