Domaine Bruno Clair, Passage au domaine
La fin d’après-midi approche et nous voilà, Cédric et moi, au nord de la Côte de Nuits, après avoir visité le domaine
Joblot
en Côte Chalonnaise le matin, puis le domaine
Simon Bize
en Côte de Beaune après déjeuner. Cette visite a été difficile à caler, mais à force de persévérance et de bonne volonté, cela fût possible. J’en profite d’ailleurs pour remercier sincèrement Nathalie et Isabelle pour leurs efforts, ainsi que Philippe Brun pour le temps qu’il aura pu nous accorder, malgré un timing serré.
Le domaine Bruno Clair est implanté à Marsannay la Côte et est fondé en 1979, avec comme patrimoine premier des vignes sur Fixin et Marsannay, la Dominode à Savigny lès Beaune et une parcelle « En la Rue de Vergy » à Morey Saint Denis. A la suite de dissensions familiales, le domaine Clair-Daü est démantelé en 1985, Bruno Clair recevant des vignes sur Chambolle Musigny, Vosne Romanée, les 1ers Crus Gibriaçois Clos du Fonteny, Cazetiers et Clos Saint Jacques, et le Chambertin Clos de Bèze. Au fil du temps, le domaine s’agrandira encore, avec des vignes sur la montagne de Corton (1993), puis le 1er Cru Petite Chapelle viendra compléter la palette en 1996 et enfin les Bonnes Mares au milieu des années 2000. Il s’étend aujourd’hui sur 23 ha, du nord de la Côte de Beaune au nord de la Côte de Nuits, avec un parcellaire de tout premier ordre. La production part essentiellement à l'export, préférentiellement en Grande Bretagne, aux USA et au Japon, la clientèle française représente environ le 1/3 restant.
Philippe Brun nous emmène dans la cave, ou nous la voyons bien remplie par les millésimes 2017 et 2018, très productifs. Les vins sont élevés dans des fûts de différents tonneliers: essentiellement Chassin, Seguin Moreau et Rousseau, mais on voit également des Radoux, des François Frères...Nous ne goûterons que des rouges, sur un joli assortiment des divers crus proposés par le domaine, sans toutefois être exhaustif.
Les Villages
Nous commençons la dégustation par 4 villages nuitons, dont 2 crus de Marsannay en préambule.
Marsannay, Les Grasses Têtes, 2017:
1,29 ha, sur un sol assez lourd très argileux, mêlé à de grands bancs calcaires, en milieu de coteau. 30% de vendange entière On a un joli nez parfumé, très floral. La bouche est ronde et fruitée, assez simple et souple, sans structure dominante.
B
Marsannay, Les Longeroies, 2017:
1,26 ha, issu de vieilles vignes de 25 ans au moins et de plus de 70 ans pour les anciennes. Le climat des Longeroies a été étudié et développé
ici
30% fût neuf. Le nez est semblable aux Grasses Têtes, toujours marqué par cette belle floralité, mais complété par des épices et une touche de girofle. La bouche est plus droite, marqué par une structure plus ferme que son prédécesseur, enjolée par ce fruité éclatant.
B-TB
Gevrey Chambertin, 2017:
0,44 ha provenant de 2 parcelles: en Carrougeot et en Jouise, situées au dessus de la D974 dans le sens Beaune-Dijon, plantées sur des sols riches, profitant de la déjection de la combe de Lavaux. On retrouve encore une fois une très jolie floralité, complété par un fruit également très précis. La bouche est ronde, fruitée, gourmande, marquée par une impression de légère sucrosité. Le corps est très fin et assez léger, la finale comporte de fins amers et se termine également florale.
B-TB
Vosne Romanée, Champs Perdrix, 2017:
0,93 ha sur un sol très pauvre et marneux, au dessus du Grand Cru La Tâche, seulement séparé par un affaissement de 5 mètres de haut. Le nez est plus puissant, marqué par une pointe d'alcool
(marc de raisin), et un peu sanguin. La bouche est plus fraîche avec plus de matière, renforcé par un léger trait de vert, montrant un ensemble plus sérieux, classieux et aristocratique.
TB
La Dominode
Savigny Lès Beaune 1er Cru, La Dominode, 2017:
1,10 ha exposé ENE, vinifié depuis la création du domaine. Ce climat est situé en plein coeur de coteau, au sein du Lieu-dit Les Jarrons, qui d'ailleurs n’apparaît pas sur toutes les cartes comme on peut le voir ci-dessus. Il s'agit de très vieilles vignes (116 ans), avec des rendements toujours très faibles mais réguliers, donnant des vins d'une rare puissance pour la Côte de Beaune. 30% de vendange entière. On retrouve un nez épicé, avec un joli fruit pur. La bouche se montre sérieuse et droite, assez pure, marquée par de nombreux tanins. C'est très puissant, sensation renforcée par des amers imposants en finale. A attendre impérativement.
B-TB
1ers Crus Gibriaçois
Climats faisant parti du parcellaire du domaine. On s'aperçoit que le Clos Saint Jacques et les Cazetiers sont au nord, à la sortie de la combe de Lavaux et sur une altitude sensiblement plus élevé que les climats du sud de l'appellation. Par ailleurs, on voit que le 1er Cru Fonteny est dans la parfaite continuité de la bande des Grands Crus, et prolonge directement les Ruchottes Chambertin. Enfin, la Petite Chapelle se situe sous le Grand Cru Chapelle Chambertin, mais dans une portion beaucoup plus plane, tout comme les 2 parcelles classées en village.
Le Grand Cru (Chambertin Clos de Bèze) est en bleu, les 1ers Crus (Petite Chapelle, Fonteny, Clos Saint Jacques, Cazetiers) en violet. Le cône de déjection de la combe de Lavaux est clairement représenté (couleur sable), et on s'aperçoit qu'aucune parcelle du domaine n'est concernée. Le Clos de Bèze présente un assemblage de calcaire à entroques et de prémeaux, complété par un peu de calcaire argileux et de marnes à ostréa. On retrouve un sol assez proche, quoiqu'avec une altimétrie plus importante et une déclivité plus irrégulière, dans le Clos Saint Jacques, alors que dans le prolongement des Cazetiers, on retrouve essentiellement les calcaires à entroques et de prémeaux. Enfin, les 2 autres 1ers Crus présentent des sols assez monolithiques, avec du calcaiire de prémeaux pour les Fontenys (dans la continuité des Ruchottes) et du calcaire de comblanchien pour la Petite Chapelle.
Gevrey Chambertin 1er Cru, Clos du Fonteny, 2017:
0,68 ha, sur un sol pauvre dans le prolongement des Ruchottes. Le Clos du Fonteny est un Monopole du domaine, situé sur la partie haute du climat. On a un nez un peu sanguin. La bouche est un peu simple et souffre de passer après après la Dominode. On retrouve des épices, de la girofle, ainsi que d'imposants amers.
B
Représentation des parcelles du domaines sur ces 2 "Super Premiers" de Gevrey. En dessous, un profil du sol, au niveau du Clos Saint Jacques.
Gevrey Chambertin 1er Cru, Cazetiers, 2017:
0,88 ha dans la partie haute du climat, sur un sol très pauvre de marnes blanches et de bancs calcaires. Les vignes ont le même âge et ont été replantées en même temps que celles du Clos Saint Jacques (haut replanté en 1958 et bas en 1973 pour Cazetiers, et 1957 et 1972 pour le Clos Saint Jacques). Ce climat est froid, en sortie de combe de Lavaux, mais malgré tout un peu protégée par le Clos Saint Jacques. On a un nez un peu plus sanguin, sur les agrumes. La bouche est ronde, plus aromatique et nettement plus riche que le Clos du Fonteny, dont les tanins un peu gras en sont un exemple. Il y a une belle maturité de fruit, mêlé à de belles notes de violette et d'épices. L'ensemble paraît très pur.
TB-E
Gevrey Chambertin 1er Cru, Clos Saint Jacques, 2017: 1 ha, de bas en haut du Clos, qui est partagé par 5 producteurs, et qui était, jadis, classé en tête de cuvée, soit l'équivalent d'un Grand Cru actuel. Un climat que j'avais eu la chance de commenter l'an dernier lors d'une visite chez
Sylvie Esmonin
. On a un nez plus épicé. La bouche est plus droite, aérienne, mêlant finesse et puissance dans un ensemble virtuose. Il est d'une grande pureté, avec des tanins un peu plus fins, moins gras et moins carrés que sur Cazetiers. La longueur est assez importante.
E
Les Grands Crus
Coupe géologique et profil pris au niveau du Chambertin Clos de Bèze. On voit que l'altimétrie est plus faible et que la pente est plus homogène que pour les 2 crus précédents.
Chambertin Clos de Bèze, Grand Cru, 2017:
0,98 ha de bas en haut du Grand Cru, avec une partie pauvre et caillouteuse en haut, et plus riche et argileuse en bas. On retrouve également un nez plus aérien et floral, avec de la violette en particulier. La bouche est dense, pierreuse, plus impactante que celle du Clos Saint Jacques. On retrouve également un bel éclat de fruit. Le toucher de bouche est très beau, avec des tanins poudreux. On ressent enfin, un peu de fraîcheur, avec de la girofle et de la ronce. C'est extrêmement long, marqué seulement par quelques amers en finale.
E
Coupes géologiques des Bonnes Mares, Grand Cru essentiellement situé sur Chambolle Musigny, avec une fine bande sur Morey Saint Denis, le long du Clos de Tart. Il est dans la continuité géologique et sur la même faille, qui s'étend du Sud de Chambolle Musigny, à Gevrey Chambertin au Nord. On retrouve essentiellement du calcaire à entroques et des marnes à ostréa.
Bonnes Mares, Grand Cru, 2017:
0,42 ha, dont l'exclusivité du Grand Cru situé sur Morey Saint Denis. Le nez est fumé, avec une sensation de pierre de lave chaude. La bouche est riche et terreuse, un peu lourde. On retrouve ce côté épicé, avec de la ronce et des baies de genièvre. L'ensemble est massif et long, avec une densité et une masse tannique conséquente.
TB
Et 2018?
Philippe Brun nous annonce que les volumes ont été excellents...et vu le nombre de fûts en cave, on ne peut que le croire! Mais qu'en est il de la qualité? Bien qu'il soit encore trop tôt pour le dire, il semblerait qu'elle soit là également, même s'il faudra se méfier des équilibres , avec des risques de vins un peu surmûrs. Nous aurons le temps de goûter 2 vins "primeurs":
Gevrey Chambertin 1er cru, Clos Saint Jacques, 2018: On a un nez sanguin, avec une pointe de volatile. On retrouve une pointe de gaz en bouche, avec derrière un joli fruit rouge légèrement acidulé éclatant, avec une texture d'une belle finesse. Prometteur.
Chambertin Clos de Bèze, Grand Cru, 2018: Le nez est complètement neutre. On retrouve également cette pointe de gaz en bouche, que l'on venait de trouver dans le vin précédent. Je ressent un peu plus d'amers et d'épices (ronce et girofle).
En conclusion, malgré le temps un peu serré qui nous était accordé, Philippe Brun a été d'une gentillesse et d'une disponibilité exemplaire, merci encore. Concernant les vins, il en ressort que le millésime 2017 se montre assez croquant de fruit, plutôt de demi-corps et se boira relativement jeune, même si les vins méritent traditionnellement un peu de garde. Le Clos Saint Jacques est comme a l'accoutumée, ma cuvée préférée
(avec, dans une moindre mesure, le Clos de Bèze), alors que la Dominode, bien qu'un peu renfrognée, devrait aller loin, les Longeroies et les Champs Perdrix pouvant également tirer leur épingle du jeu dans quelques années. Enfin, la dégustation des 2018 est anecdotique et trop compliquée à appréhender à mon niveau, mais méritera un passage l'an prochain pour évaluer le millésime et ces qualités de façon un peu plus précise...
L'heure tourne, nous devons maintenant prendre congé du domaine, non sans les remercier une nouvelle fois, et reprendre la direction du sud, pour rejoindre Simon ainsi que 2 beaunois, car une petite soirée nous attend!!!
(si, si, le compte-rendu arrive! )
Références bibliographiques:
www.monocepage.com
www.degustateurs.pro
www.jeanclaudeboisse...
www.bruno-clair.com