Découverte hier de ce nouveau restaurant à Bordeaux, qui veut très vite jouer dans la cour des (très) grands.
Les associés Mrs Magrez et Robuchon ont affiché leur ambition d'entrée, obtenir 3 étoiles au michelin. Connaissant un peu M. Magrez, je sais que lorsqu'il a une idée en tête, qu'il part à 100% sur un projet (pour pas dire 200% ce qui caractériserait mieux l'homme), il ne regarde pas du tout à la dépense et la rentabilité du dit projet, mais met plutôt tout en place pour obtenir, rapidement si possible, ce qu'il désire, ce qu'il a comme objectif.
Quitte à faire machine arrière par la suite.
Tout de même une attitude peu banale aujourd'hui en France, ou on regarde trop souvent le retour sur investissement prévu avant de lâcher un euro...
Bon, le resto. Les échos s'étaient rapidement propagés dans la petite sphère vineuse bordelaise, "c'est excellent".
Pour ceux qui sont passés à côté de l'info, le chef aux manettes est un japonais qui a eu 3* à Tokyo et à Las Vegas. "Le meilleur de mes équipes" selon Joël.
Pas de réelles chroniques gastronomiques de ma part sur les plats, j'en serai bien incapable. Mais j'ai la chance d'avoir quelques références de comparaison dans ma tête.
Ce que tout le monde veut, la (piètre mais lisible) photo du menu.
Le principe du menu:
On choisit le nombre de service d'entrées que l'on souhaite, de 1 à 4.
130€ pour un, +30€ par service supplémentaire.
A la carte, les entrées vont de 40 à 100€, les plats comptez 20€ de plus.
Nous avons choisi le menu avec un service, qui est déjà copieux.
L'entrée du chef au caviar et l'araignée de mer est somptueuse pour les yeux, et grandiose en bouche. On attaque très haut. Simple dans les gouts, de haute précision, long en bouche, on voyage au bord de l'océan avec ces saveurs iodées très fortes.
Vient ensuite le plateau d'entrée, avec 3 petites assiettes de 3 bouchées, mais qui révèle tout comme le premier plat le grand talent du chef. Des bouchées pleine de goût, de saveurs, et de plaisirs. Avec tout de même, il faut l'avouer, des hauts et des très hauts. Sur le service 1, la salade de pommes de terre était sublimissime, avec un assaisonnement de la pomme de terre excellent, le homard et le saumon était très très bon. Sur le service 3 que j'ai pu troqué contre un peu de service 1, la Langoustine était grandiose avec une sauce à tomber, le Zéphyr de très haut niveau mais la Saint Jacques un peu moins excitante pour les papilles.
L'ensemble est tout de même de très haut niveau, avec quelques merveilles, et une constante importante: les sauces sont à tomber.
Puis le hic selon moi, le plat imposé. Pas le choix, si on prend le menu, on part sur le Châteaubriand rossini avec une sauce au porto, accompagnées de purée Robuchon (ben oui!) et de pommes soufflées.
J'adore le boeuf et ce plat était vraiment très bon (pommes soufflées grandioses), mais j'aurais aimé avoir le choix avec un poisson peut être, ou autre chose en tout cas, car ce n'est pas pour ce genre de plat, aussi bon soit-il, aussi bons les produits fussent-ils, que je vais dans un restaurant de ce niveau, avec un chef capable de tels coups d'éclat dans les premières séquences.
Le boeuf ne permet quand même pas un grand travail quand il est de grande qualité, il me semble. On fait une belle cuisson, on assaisonne, et on se régale (ou pas).
Plateau de fromage garni, de tout premier ordre, j'ai pris du comté et un chèvre délicieux.
Plateau de dessert ensuite, avec encore 2 merveilles (La Mangue et La Bulle) et une très belle réalisation (Le Castanéa).
Compris mais pas pris, café ou thé et mignardises (en écrivant ces lignes, damned, ou sont les mignardises).
Le tarif n'est donc pas pour tous les mois, mais pour ce niveau de cuisine et tout ce qui est proposé, parler d'argent n'a pas beaucoup de sens (pour ceux qui réfléchissent à y aller et peuvent/veulent y réfléchir, évidement, la survie humaine n'en dépend pas).
Mais il faut tout de même souligner le très grand talent de ce chef, qui devrait taper dans le mille assez vite niveau guide rouge. Et tout est au diapason, car résumé le moment passé à la Grande Maison à la cuisine serait une grande erreur.
Je m'attendais à un service hautement qualifié et un poil guindé. Hautement qualifié il l'était, guindé, pas pour un sou. J'ai trouvé ce service et le personnel exceptionnel car parfait, oui parfait, dans le ton et l'ambiance du lieu.
Ne pas oublier que la Grande Maison est l'ancien hôtel privé de Léon Duguit, grand juriste du siècle dernier à Bordeaux. C'est donc une véritable maison, et on mange dans le salon ou la bibliothèque. C'est chargé mais c'est un cocon, et le service, m'a fait me sentir "à la maison", c'est à dire très à l'aise et décontracté. Compétent, souriant, prenant du plaisir au travail, disponible, jamais trop ni pas assez là. Parfait je vous dis.
Le lieu est superbe, la bâtisse typiquement bordelaise, et l'entrée magnifiée par un olivier majestueux et millénaire.
Le plus: encore jamais vu dans ce type de maison, le service du pain. Un charriot de pain à en perdre la tête, un poil au dessus de ma référence en la matière, l'Essentiel à Temploux (amis belges
-D ). Lors de mon choix du premier pain, je n'ai pas compris, car 2 minutes après le tour du table du maitre du chariot, toujours pas de pain dans mon assiette. C'est qu'il m'avait mis l'eau à la bouche avec cet escargot feuilleté à l'huile d'olive!!! Non, ici, vous choisissez le pain, et on va vite vous le chauffer au four quelques minutes de manière à ce qu'il arrive à température parfaite. Jamais vu ca. Et j'adore. C'est aussi pour ce genre de détail auquel on n'aurait pas pensé une seconde qu'on ne va pas simplement mangé dans ce genre d'endroit, mais vivre une expérience gourmande et, oui, luxueuse dans tout. Mais c'est pour cela qu'on va dans un trois macarons, ou pour cela qu'on va dormir une nuit dans un palace. Pour le reste, y a Masterca...Le côté facheux, c'est qu'on a tendance à manger pas mal de pain
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Les vins: On voit que la carte est encore en travail, et que le premier objectif d'avoir tous les crus classés et assimilés (pomerol et qques bourgeois) a pris pas mal d'énergie aux équipes. Les prix sont assez costaud, avec des marges de l'ordre du fois 3 et en prix de GCC bordelais, cela monte très vite très haut du coup. Les millésimes sont plutôt récent, avec de temps un temps un saut dans le temps intéressant. Exception faites des vins de BM, présentés dans de nombreux millésimes pour Pape Clément, La Tour Carnet, Fombrauge et quelques autres, et eux pricés à des tarifs ma foi attractif au restaurant, et des marges raisonnables.
Ex: LTC 2005 à 80€, les fombrauge à 40/65€, quelques Pape dont le 95 à 250€. Présence aussi des "petits vins" de BM, Tour Blanche en médoc à 18€ et Perenne en cote de Blaye à 25€, ce qui permet quand même, aux gourmets de la première heure mais pas grand amateur de vin d'avoir une bouteille à table pour le prix de deux bouteilles d'eau!!! C'est quand même fort.
Si j'avais du prendre un bordeaux à moins de 200€ et hors BM, D'Issan 90 à 180€ de mémoire me semblait être la bouteille bordelaise à choisir.
Car pour le reste, c'est plus variable:
Très belle carte, bien que concise, d'Alsace blancs.
Belle sélection dans le Rhône, avec quelques gros faiseurs type Jaboulet mais également des guiraude de Graillot et du St Jo de chez Chave, mais dans des millésimes trop récent.
Idem en Bourgogne, avec un grand écart entre des bons producteurs (mais pas folichon) sur des millésimes 2011/2012 et de la DRC.
Languedoc, réduit, mais des références sur des millésimes un peu plus anciens. Mas Jullien, Daumas Gassac, Domaine Peyre Rose...
Je suis sorti un peu frustré de ma lecture de la carte Rhone/Bourgogne/Loire. Y en a mais...pas le plus excitant ou pas sur un millésime propice.
L'étranger que j'ai quitté très vite après avoir vu qu'il n'y avait que 3 rieslings allemands (à la lecture sur le sommaire de "Allemagne" je m'attendais à plus...(
)), semblait tout de même fourni avec de pas mal d'italiens, de l'autrichien, espagnol, nouveau monde...le tout aidé par la diaspora de château magreziens à l'étranger.
Nous avons bu un Burg 2009 de Deiss, très bon, un Syrah Leone 2005 de Peyre Rose que j'ai beaucoup apprécié, car solaire, rond et chaud mais fin et long, avec tout de même pas mal de délicatesse dans les tanins en final. Mais un style assez chaleureux et sexy, dirais-je. Enfin un Difese de San Guido 2012, trop jeune pour être apprécié.
Température des vins parfaite au service.
Le bilan est d'un grand enthousiasme pour cette maison. C'est du très, très haut niveau et j'espère pour l'équipe en place et pour Bordeaux que cela va marcher.
Les 3* visées, de ma petite hauteur de vue et échelle comparative, me semblent tout à fait atteignables.