Samedi 19 mai 2012, Aix-les-Bains, Savoie.
Il paraît que je me marie dans un mois et demi. Plutôt que de me promener déguisé en phallus parmi les curistes et les Parisiens en villégiature, mes amis les plus proches, qui ont bon goût (c’est pour ça que ce sont mes amis;)), ont décidé de donner une coloration œnophile à ce week-end de célébrations.
C’est l’esprit et le palais embrumé par le magistral concours de dégustation à l’aveugle de la veille que nous prenons (mais je ne le sais pas encore) la direction de Jongieux - auréolé, notons le, d’un titre de vice-champion des bords du lac du Bourget de dégustation à l’aveugle par équipe. Bon, il n’y avait que deux équipes.
Des visages familiers nous accueillent au domaine Dupasquier. Jolie Jacquère 2010, pleine de fraîcheur, une altesse 2009 de solide constitution, et un Marestel 2009 impérial, comme à l’habitude. Et le plaisir de déguster ces vins là où ils sont nés, pour la première fois. Quelques photos dans les vignes, et hop, en voiture. Curieusement, ce n’est pas vers le fond de la vallée que le véhicule se dirige, mais vers le vertigineux coteau du cru Marestel. J’esquisse un petit sourire, mais je me dis, non, ça doit être pour une petite balade dans les vignes.
La voiture ralentit, se gare sur le parking qui surplombe la jolie petite bâtisse qui abrite l’auberge. Le sourire en coin se mue en gros smile. C’est bien à la table des Morainières que nous sommes attendus.
img809.imageshack.us...
Amuse-bouches : sur les piques, salade d’asperge (crue), et foie gras et champignon. Dans les petits cornets, une mousse aux petits pois et chèvre. Plus substantiel, un petit gâteau aux champignons, dans une réduction au beurre. Le foie gras est excellent, l’asperge croque sous la dent, le petit pois explose en bouche, ça commence bien. Le dernier amuse-bouche est quasiment une première entrée, elle aussi très bonne.
img100.imageshack.us...
Le homard bleu : salade des pinces, la queue en tempura et bouillon de coriandre. Magnifique entrée en matière. La petite salade de homard à l’orange en dessous de la tempura est parfaite, l’orange fraîche souligne le homard, mais ne le domine pas. Miam.
La féra : pochée, « légumes de M. Favrin » et écrevisse. La cuisson de la féra, fondante et savoureuse, est parfaite. Un plat qui est par ailleurs d’une harmonie visuelle folle, c’est un tableau, duquel il émane une ambiance paisible…
Le foie gras de canard : poêlé, rhubarbe et fleur de sureau. L'accord entre les trois composantes de ce plat, construit sur des textures fondantes, est très réussi (ce sont les mêmes ingrédients qu'un plat servi ici il y a trois ans, où la rhubarbe et le foie gras étaient présentés dans un sirop au sureau tiède, mais la version 2012 me semble plus réussie).
img838.imageshack.us...
Le bœuf charolais : le cœur d’entrecôte mi-cuit, millefeuille de légumes et sarriette. Pas forcément le plus original, mais la viande est extrêmement bien (i-e peu) cuite, fondante.
Le ris de veau : doré au plat, jus de rôti, carottes et champignons du moment.
Le pigeon : la poitrine rôtie, cuisse fondante, gnocchi de pomme de terre, sarriette et champignons.
Ces deux plats sont des concentrés de saveur. Le filet de pigeon est une merveille.
Fromage, desserts [size=x-small](Les quatre desserts sont servis en même temps. Nous choisissons de tout partager)[/size]
img705.imageshack.us...
Plateau de fromages, surtout locaux. Bien, mais pas fou non plus.
Pré-dessert : euh, j’ai un trou. Quelque chose comme chocolat blanc, coco et crème glacée mangue ( ?).
Et puis, débute la farandole des desserts :
Le praliné : boule ivoire, noisette, amande, miel et citron
img98.imageshack.us/...
La fraise : premières gariguettes rafraîchies, crémeuse, vanille et céleri vivace
La pomme du Tremblay : rôtie, caramel, mascarpone et glace carambar
Le chocolat : dôme craquant, chocolat noir et blanc, griotte
L’arrivée des desserts offre l’occasion d'un concours d'exclamations : ah! oh ! waouh ! non ? rhhooo ! Il faut dire que visuellement, ça envoie. Le plus fort est que gustativement, c’est également très réussi ! Mes préférés sont peut-être les deux desserts aux fruits, avec de jolis jeux sur les textures. Vraiment très bon. Celui aux gariguettes était superbe, dans tous les sens du terme.
img708.imageshack.us...
Les mêmes, avec vue sur l'intérieur + les mignardises.
Les vins (bus à l'aveugle) :
img37.imageshack.us/...
Domaine Alphonse Mellot – Sancerre les Romains 2008
Le nez possède un côté fleurs séchées / miel, des notes d’agrumes, de discrètes notes grillées.
La bouche est assez ample, avec une belle acidité. Elle laisse une sensation pierreuse, et se donne avec une certaine retenue.
Beau vin, bien fait, possédant une jolie matière, dans un style assez strict. Le vin accompagne parfaitement le premier plat de homard.
Identification difficile à l’aveugle par contre, nous sommes quelques uns à partir sur Chablis. Raté…
Bien ++
Domaine Gauby – VDP des Côtes Catalanes Les Calcinaires 2007
La robe est assez pâle.
Le nez semble au départ très réduit. Avec l’aération, le fruit perce, mais on reste sur un registre de notes grillées, avec malgré tout une belle fraîcheur.
C’est la bouche qui surprend. Elle possède un côté très pur, cristallin, qui est assez saisissant. Pas spécialement grasse, ni très acide, mais elle possède cette pureté qui est extrêmement séduisante. Belle longueur. Bu à l’aveugle, on fait le tour de France sans y retrouver quoi que ce soit, tant ce vin est un OVNI. Il fait penser par certains aspects à certains savagnins ouillés, qui peuvent avec cette structure légère et très pure. On fait le tour des vignobles du nord de la France, sans jamais s’approcher de sa véritable région d’origine.
C’est en tout cas très bon, et l’accord avec le plat de féra (tout sauf un accord régional!) fonctionne parfaitement.
Très bien +
Domaine Jean Foillard - Morgon Côte du Py 2010
Robe grenat, un peu trouble.
Le nez est marqué par une volatile assez élevée, un petit côté animal, poivré, et des de fruits rouges frais, un peu mentholé.
La bouche est juteuse, avec des tannins assez présents, une acidité élevée qui lui donne, conjuguée à ces notes de fruits rouges, un côté croquant et acidulé.
C’est bon, mais l’aromatique quelque peu brouillonne, et une acidité un peu violente l’empêchent toutefois de donner plus de plaisir à ce stade.
Bien-
Domaine Combier, Crozes-Hermitage Clos des Grives 2010
Robe (très) sombre.
Le nez change beaucoup à l’aération. L’élevage, plutôt dominant au départ, laisse la place à de jolies notes de fruits noirs bien mûrs. L’aromatique semble en train de se mettre en place.
C’est en bouche que le vin finit de convaincre. La matière est très dense, les tannins soyeux, c’est du velours. Belle fraîcheur, avec une acidité bien présente.
Superbe vin, qui gagne toutefois à attendre un peu que l’élevage se fonde. Si l’envie est trop forte, a minima lui laisser vraiment le temps de respirer avant de servir.
Très bien++
Domaine Patrick Baudouin – Anjou blanc 2010
Retour au blanc sur les fromages.
Robe or, moyennement soutenue, brillante.
Joli nez, beaucoup de fruits frais, avec une grande fraîcheur mentholée/anisée.
La bouche présente quelques sucres résiduels, on est sur un équilibre de « sec tendre ». Et cet équilibre est très convaincant, car la bouche est grasse mais possède une belle acidité mûre.
Très bon vin. 2010 est décidemment un joli millésime dans le coin.
Bien ++ / Très bien
Très franchement, au-delà du contexte émotionnel d'un repas comme celui-là, c'est vraiment du très très haut niveau, du début à la fin. Une inventivité maîtrisée, une réalisation impeccable, des plats extrêmement travaillés visuellement (rarement, si ce n'est jamais, vu d'aussi belles assiettes, même dans des trois macarons). C'était déjà très bon lorsque nous étions venus y dîner il y a trois ans, mais j'ai eu l'impression que tout avait encore progressé - la deuxième étoile me semble tout à fait méritée! Le service est attentif mais décontracté, agréable. Le sommelier est un passionné, qui a l’air d’avoir bon goût (il nous a confié son penchant pour la Grange des Pères…
).
Voilà pour le compte rendu. Pour le reste, les amis, plusieurs mois après, je ne sais toujours pas quoi dire, juste un immense merci, vous êtes au top.
Un repas magistral, entouré des potes parmi les potes, et de celle avec qui on est en train d'envisager un avenir étoilé. Eh bien, ça avait un petit goût de paradis, merci de nous avoir offert ça. Le compte-rendu est aussi tardif que le plaisir fut grand. C'est dire.
Mathieu