A.F., Tu parles d'équilibre de qualité des tanins etc...
Mais dans un vin fermé, comme certains Bourgogne qui sont dans une mauvaise passe (parfois vers 10-14 ans) il n'y a plus d'équilibre, les tannins sont moches etc.
Tu sais toi qu'il n'est que fermé et qu'il va se rouvrir? Si on me dit son âge, je peux émettre l'hypothèse... au mieux... sans aucune visibilité, peut-être tout à fait à tort.
J'ai bu des Languedoc complètement morts et enterrés. Sauf qu'il suffisait d'attendre. Je connais un vigneron qui avait un stock de son premier millésime, qu'il gardait par affection mais avait goûté à de nombreuses reprises, c'était sans espoir, complètement destructuré faible et sans harmonie. Un mauvais vin. Personne n'a imaginé une seconde que ce vin pouvait se réveiller. Un jour son fils veut goûter et le père lui dit "bah ça fait 6 ans qu'il est complètement mort". Ils goûtent quand même, le vin est beau, fruité harmonieux. Les bouteilles suivantes aussi. Que dire?
Il y a aussi des périodes dans l'année qui sont moins propices, où les vins se ferment.
Il y a aussi le transport.
Dans un vin traumatisé par le transport, on a juste un déséquilibre, du plat aqueux, rien qui laisse présager la moindre chance que le vin soit bon.
Pourtant deux mois plus tard il est guéri, harmonieux, équilibré...
Si toi tu sais sentir que le vin n'est pas tout simplement mort et dégueulasse dans ce cas-là, chapeau.
Le cas des Bordeaux jeunes est peut-être différent pour une part, je ne peux pas en préjuger, mais pour une part, il y a à mon avis une incertitude totale. J'évaluerais la part d'incertitude totale à 90% et le reste à la chance, mais ce n'est que mon avis personnel... Ensuite, on peut certainement en savoir d'avantage en connaissant le vigneron, le vinificateur, le terroir, et les détails significatifs sur la manière dont cela a été géré cette année là. Il y a quelques vignerons qui sont spécialistes des vins qui embaument au départ puis s'écroulent. On a certainement de bonnes chances de ne pas trop se tromper si on augure qu'un vin fait par l'un d'eux va bientôt décliner. Mais l'aura-t-on deviné par la dégustation? Ainsi quand Parker ou Bettane parlent du devenir d'un vin, ils ne cachent pas du tout qu'ils se basent sur la réputation du terroir et de la maison pour extrapoler, au mieux ils trouvent quelques confirmations en bouche, dont il est difficile de ne pas supposer qu'elles sont influencées par le jugement précédent.
Quand on descend dans la cave d'un vigneron et qu'il nous fait goûter par exemple sa série de 1er crus de Meursault, il dit : celui-ci est un peu fermé pour le moment, il mettra plus de temps à s'épanouir mais sera plus grand". Sur quoi se base-t-il? A mon avis, sur sa connaissance du terroir et son expérience des millésimes précédents avec le même vin. La sensation en bouche à une grande importance pour qu'il se fasse une idée juste, mais cette information n'est utilisable vraiment qu'à la lumière des autres informations : quelles vignes, comment s'est passé le millésime sur cette parcelle etc.
Si la dégustation permettait d'avoir le moindre indice pertinent que tel vin fermé est en fait un grand vin en grand devenir, les pro qui goûtent à l'aveugle reconnaitraient les grands Bordeaux à coup sûr, seulement ils se plantent... Ceux qui trouvent en général, c'est seulement qu'ils l'ont déjà goûté récemment et le reconnaissent... Les confessions des grands sommeliers ou de certains guides sur le sujet (Bettane pour ne pas le citer) sont plutôt édifiantes. Moi j'ai l'impression que cela est pour le moment une donnée inconnue en dégustation (peut-être une jour quelqu'un comprendra mieux) ou qu'il peut exister des rares moments de lucidité (on flash sur un jeune vin qu'on sent bien), mais c'est tout. Il y a déjà des milliers de gens qui ont lu cet article, parmi eux beaucoup de personnes d'expérience, et toujours personne n'a donné la moindre piste organoleptique. Que faut-il en conclure?
Si je me trompe, ce que j'aimerais évidemment, j'attends toujours qu'un vigneron ou un professionnel me le dise, je serais vraiment enchanté d'apprendre comment reconnaître un grand vin en phase de fermeture
"Rien d'autre que : "goûte, regoûte, re regoûte."
Je crois que ceux qui goûtent, regoûtent et reregoûtent, apprennent seulement à ne plus faire d'extrapolations sur du vent, donc sont plus fiables dans le sens où ils évitent de porter des jugements hâtifs et de vaticiner sur le devenir d'un vin. Il y a un vieux proverbe qui dit que les vieux ne sont pas plus sages, mais seulement plus prudents. Je me demande si ce n'est pas pareil pour la dégustation