Le texte de présentation est de Vincent, les commentaires de dégustation de moi même. Dégustation qui a eu lieu au sein de mon club de dégustation.
Merci à Vincent qui m'a fourni ces échantillons, dont l'un était de 1983.
1- le cépage
« La plupart des spécialistes du vin dans le monde entier s'accordent pour penser que le riesling est le plus grand des cépages blancs. Certes ils reconnaissent au chardonnay sa séduction immédiate et facile ainsi que sa capacité – dans le cas fort rare et avec l'aide du chêne- à donner des vins d'une opulence et d'une richesse de bouquet insurpassables. Mais en aucun cas, le chardonnay ne parvient à la finesse naturelle, à la diversité d'expression et à la longévité en bouteilles de vrais rieslings dans ses zones de prédilection, sans parler de la sublimité aromatique des cuvées atteintes de pourriture noble. »
(RVF décembre 1995/janvier 1996)
Comme quoi le super engouement de ces dernières 2 ou 3 années pour le riesling dans les médias vin avait déjà été initié il y a plus longtemps.
On peut lire dans le même numéro : « Par ailleurs, les vins de base, assez largement diffusés et de prix fort accessible sont d'une médiocrité qu'ils font fuir l'acheteur au lieu de constituer une incitation à passer à des produits plus typés. »
Acidité marquée, parfois trop, bas de gamme déplorable, disponibilité réduite des cuvées intéressantes, voilà donc d'autres caractéristiques du riesling qu'il est bon de rappeler.
Origine très controversée : la thèse officielle situe le berceau en Allemagne (mais déjà cité en Alsace en 1346). D'après le grand ampélographe Stoltz, il pourrait être issu d'un croisement chenin X sauvignon. Mais cette théorie est aujourd'hui rejetée. Mais quand des tests génétiques pointus seront effectués, on en saura davantage.
Au XVIII ième Siècle ce cépage connaît une expansion modérée en Europe centrale et même jusqu'à Bordeaux (il en reste quelques pieds à Barsac ou à Martillac).
C'est un cépage extrêmement stable du point de vue génétique, il est par contre très sensible à la moindre modification du microclimat et du sol. Son identité organoleptique en est très nettement modifiée. Il n'y a pas un riesling mais des expressions très diverses selon le terrain, dont il restitue mieux que tout autre la moindre particularité. Toujours différents bien que toujours le même !
2- Les 4 terroirs présentés :
Le Kastelberg : seul terroir de schiste classé grand cru : Il donne des vins très fins et très minéraux, rigides et purs comme l'acier. Grand potentiel de garde. Des vins assez difficiles… Il faut souvent du temps pour apprécier les rieslings issus de terroirs de schiste, mais après, on a du mal à revenir aux autres.
5.82 hectares, exposition sud, très abrupt, dévale de façon vertigineuse jusqu'à l'Andlau. (Rivière qui coule à ) Andlau où se situe ce cru). Vanté pour la qualité de son vin depuis 1064. Ce coteau est souvent aménagé en terrasses et il est inaccessible aux tracteurs.
Le Wiebelsberg : Voisin immédiat du Kastelberg. 12 hectares, exposition sud, sud ouest. Il est moins abrupt que le Kastelberg, son sol est composé de sables de grès vosgiens, auxquels se sont mêlés des matériaux de solifluxion du quaternaire, sur un sous sol de schiste. Ce terroir donne des vins délicats et floraux, plus féminins que ceux de son voisin. La minéralité est présente et c'est aussi un vin de garde. Si le Kastelberg est entièrement planté en riesling, le Wiebelsberg l'est quasiment également.
Le Sommerberg :
28 hectares, particulièrement propice au riesling, mais on y trouve aussi du pinot gris et blanc.
Exposition sud, principalement sur Niedermorschwihr. Très abrupt (la pente atteint 45°), même si on est loin de la pente du Rangen de Than, le coteau est souvent aménagé en terrasses. Formé d'arènes granitiques, issues d'une forte altération du granit de Turkheim.
Le Pfesigberg :
75 hectares, est sud est, pente douce.
Sols marno calcaires bruns sur un socle de conglomérats calcaires.
Le gewà¼rztraminer y est très représenté parce que c'est un sol calcaire et qu'il confère de l'acidité au vin. Si le gewurztraminer en manque souvent ce n'est pas le cas du riesling.
3- Les millésimes :
2001 : millésime fin, élégant, avec une belle acidité. Beaucoup de vignerons le place au dessus de 2000, pourtant encensé par la presse.
1999 : Millésime plus délicat, mais le riesling s'en sort bien surtout entre les mains expertes des bons vignerons.
1990 : Le grand millésime. Très belles maturités, raisins très sains. Pas de botrytis, des rieslings superbes. Le seul problème c'est que 95% des vignerons ne sont pas au niveau de ce millésime et de leurs terroirs. Chez les grands, c'est un millésime à l'équilibre parfait.
1989 : grand millésime à botrytis. Les vins secs manquent parfois d'acidité et l'équilibre n'est pas aussi beau qu'en 1990.
1983 : Année très riche et généreuse. A peine un cran en dessous de 1990 et 1989. Avec 1994 et 1988, c'est l'un des 5 meilleurs millésimes de ces 25 dernières années.
4- Les vins :
Albert Boxler
Grand cru Sommerberg 2001 et 1990
Gérard Schueller
Grand cru Pfersigberg 2001 et 1990
André et Rémi Gresser
Grand cru Kastelberg 2001 et 1989
1) Grand cru Wiebelsberg 1999 et 1983
Or vert.
Nez marqué par une fine note miélée, avec du fruit blanc (poire ?) et le coing. C'est un nez que je trouve très beau.
Beaucoup de gras en bouche, un volume étonnant une acidité intégré, sans doute un peu atténuée par une pointe de résiduel. C'est long.
2) Grand cru Kastelberg 2001
La robe est plus claire.
Nez sur les agrumes et la minéralité.
Le vin est plus strict en bouche, avec une acidité plus marqué, vivacité accentuée par une fine perle. Très long sur la vivacité.
3) Grand cru Pfersigberg 2001
Robe dorée.
Nez d'acacia, de coing.
La bouche est stricte, mais présente un beau volume. Léger creux puis belle finale vive. Un ensemble un peu dissocié pour l'instant. Le nez est trompeur, il annonce un vin que l'on pense plus rond, voire doux et qui finalement est assez strict.
4) Grand cru Sommerberg 2001
Le plus complexe au nez, à la fois floral et minéral.
Bouche avec un beau volume, le vin est très équilibré. Beaucoup de gaz néanmoins à ce stade. Belle longueur.
5) Grand cru Wiebelsberg 1983 :
Robe très dorée.
Nez marqué d'abord par le zan et la réglisse, c'est curieux, puis un côté oxydé.
En bouche c'est une impression médicamenteuse qui gêne beaucoup bien que la structure du vin soit intacte. Pour moi, ce vin est dépassé.
6) Grand cru Kastelberg 1989
C'est assez proche olfactivement. Je retrouve cette impression de confiserie de réglisse, mais cette fois les notes d'hydrocarbure sont très nettes.
Du volume, de la corpulence, toujours cette épine dorsale très ferme et rigide. Finale longue sur ce côté pétrolé.
7) Grand cru Pfersigberg 1990
Beaucoup de réduction au nez et cela ne s'estompe pas. Un côté viandé peu ragoûtant qui masque le fruit.
Grand volume, légère note pétrolée. Finale très longue et vive.
Une fois de plus les sudistes que nous sommes sont désemparés devant cet hydrocarbure présent et que nous aimons peu, même si nous reconnaissons la qualité de la structure.
8) Grand cru Sommerberg 1990
Beau nez à la fois floral et minéral. De l'acacia et des notes pétrolées que je trouve personnellement discrètes mais qui ont encore gêné une partie de l'assemblée.
Beau volume, c'est bien soyeux, un modèle d'équilibre pour moi. Le plus beau de la soirée, mais nous sommes partagés. Le gaz est encore marqué, et d'une façon générale, je me souviens que c'est une caractéristique des vins de Boxler.
Conclusion :
Disons le tout net, la majorité a préféré les rieslings jeunes et on rejeté en masse les notes pétrolées que nous avons décelées dans tous les rieslings âgés. A ce stade, se pose la question du seuil de perception ou même du seuil de tolérance qui ne semble pas le même pour tous.
Plusieurs d'entre nous ont connu cette expérience de voir une personne habituée à déguster des rieslings ne pas sentir ce pétrole qui gêne, dérange, occulte les plaisirs de celui qui n'y est pas habitué.
Je dois reconnaître que la structure des vins âgés est intacte, voire impressionnante : cependant la dérive aromatique et gustative rebute beaucoup. Alors, vin de garde, ça dépend pour qui, et là , c'est vraiment une affaire de goût.
Le débat est ouvert, je ne doute pas qu'il sera alimenté.