Villa d'Este Wine Symposium
Édition 2017
La Paulée du jeudi soir
C'est toujours avec une prolétaire surprise que je découvre que ma chambre a été joliment parée pour la nuit d'une paire de chaussons, d'un petit descriptif m'indiquant la météo du lendemain et de délicieux chocolats posés sur l'oreiller.
Vous en connaissez des gens qui croquent dans une douceur avant de s'endormir, vous ?
Sûrement une mode inventée par un dentiste taquin, ça...
Je plonge dans mon costard et constate avec un certain soulagement que mon tour de taille au falzar n'a miraculeusement pas pris un cran de ceinture.
Si la vieillerie semble s’accélérer en me teintant de plus en plus les tempes d'un profond gris vieux beau, je respire en voyant dans la glace que ma dégaine de marcheur reste digne d'une vieille réputation allla Giacometti.
La cravate est chaussée, les papilles affûtées, il ne reste plus qu'à plonger dans l'arène...
Tous les aficionados de ce feuilleton annuel à Villa d'Este se souviendront peut-être que le dîner qui lance l'évènement est l'occasion d'une Paulée.
Chacun est invité à partager un ou plusieurs apports dans une joyeuse ambiance d'échange et de générosité qui fait vite le cauchemar de l'équipe de salle quand les convives se lèvent, bouteilles en main et verre en poche, pour dispenser leur largesse avec un modération toute italo-vineuse.
On y va ? En piste !
Tortelli all’amatriciana, cacio e pepe
Domaine Louis Carillon, Puligny-Montrachet 1er cru Les Referts, 2008
Robe jaune paille.
Nez discret, assez serré, sur des notes de praliné, un peu floral mais rien de très généreux.
Bouche bien construite, à la fois grasse d'attaque et sur une belle structure acide rythmée.
L'ensemble reste néanmoins assez fermé aromatiquement, comme si le vin refusait de se développer.
L'équilibre est là mais le vin ne prend pas vraiment son envol encore.
Finale avec du volume et de la fraîcheur et à qui il ne manque que de la complexité aromatique.
A suivre.
Chevreuil au genièvre, chou rouge et châtaignes glacées
Henry Marionnet, Touraine, Renaissance, 2016
Robe très sombre, sur un violet qui tapisse le verre.
Nez brut, très primaire, sur les fruits noirs frais, la violette, une note un peu piquante qui ne me plait pas trop.
Bouche concentrée, d'un volume à cœur important et d'une acidité tranchante qui chahutent le palais.
L'aromatique un peu folle et trop primaire accentue cet effet de brutalité.
Finale pas vraiment en place et qui doit s'harmoniser.
A attendre car il y a du fond.
Château de Beaucastel, Châteauneuf du Pape, 2001
Robe bordeaux assez sombre avec une petite évolution.
Nez masculin et droit, presque froid et sur des marqueurs peu causants qui m'évoquent plutôt bordeaux que le sud, sur les fruits noirs en train de s'évanouir et un léger végétal. L'ensemble est assez mat et pas vraiment causant.
Attaque presque tranchante par une acidité qui continue de m'éloigner de Châteauneuf et propulse une matière dense et dont on sent qu'elle commence à peine à se polir.
Le vin est puissant, épaulé, presque carré et rien ne vient vraiment lui apporter de charme sexy facile pour emballer l'ensemble, que ce soit au niveau chair, chaleur ou aromatique. Il n'en reste pas moins bien doté et ses tanins sont de grande qualité.
La finale déroule une tenue ferme, presque saillante et semble encore très jeune.
Nous avions bu ce vin il y a 5 ans à l'occasion de cette Paulée. Il s'est un peu détendu mais son évolution semble très lente.
Bien mais à attendre encore.
Domaine Garon, Côte Rôtie, Lancement, 2014
Robe sur un violet impénétrable, presque noire.
Nez concentré mais pas comprimé d'une grande densité, sur des notes de belle syrah, sur la mûre, la violette, un côté réglissé assez net.
Bouche ample, large et là encore donnant une impression de volume et de concentration.
Le vin déroule une puissance certaine, que ce soit de corps ou d'acidité, sur un jus puissant et lance une finale riche et qui nécessite la garde pour gagner en fondu et en complexité.
Bien mais attente impérative car en l'état, c'est dense.
Domaine Marquis d'Angerville, Volnay 1er cru, 2002
Bouchon en excellent état.
Robe sur un grenat clair qui commence à tuiler légèrement.
Nez discret, sur de minces notes de petits fruits rouges et pas grand chose d'autre à raconter.
Bouche à l'avenant, austère et ferme, sur une acidité saillante et une matière qui ne semble pas usée pourtant, sur un volume bien présent.
Mais le vin refuse catégoriquement de se livrer aromatiquement, se limitant à un déroulé à la fraicheur septentrionale qui serait peut-être agréable enrobée dans des goûts expressifs mais qui semble ferme dans cette situation.
La finale est stricte et n'apporte pas de plaisir.
Décevant.
Weingut Von Winning, Deidesheim Riesling; Marmar, 2015
Magnum
Robe jaune paille.
Beau nez complexe et très jeune, sur des notes de fruits blancs, de fleurs de la même couleur, avec un boisé épicé très présent (mais moins que sur la bouteille de 75cl que j'ai goûté il y a deux heures sur le salon).
Bouche construite, pleine et équilibrée, sur un volume ample et riche mais bien mobilisée par une acidité mûre agréable.
C'est aromatiquement trop jeune et il reste à voir si ce boisé puissant pourra s'intégrer totalement.
Finale longue et avec de l'impact, même si un peu trop marquée par les épices de l'élevage.
Mais rien à dire, c'est de la belle ouvrage et assez surprenant d'expression.
Pas du tout sûr de ne pas foncer en Côte de Beaune à l'aveugle !
Weingut Andreas Laible, Durbacher Plauelrain Scheurebe, Auslese, 2010
Robe sur un doré franc.
Très joli nez ouvert et gourmand, sur un exotique frais délicieux, entre la mangue et l'ananas, avec de belles notes d'agrumes et minérales qui lui donnent beaucoup de cachet.
La bouche est fraîche et glissante, sur un équilibre réussi entre une matière souple à la sucrosité délicate et une belle acidité structurelle bien intégrée.
Le vin n'est pas un monstre de concentration mais sa structure posée et sapide d'une grande fraîcheur crée un point de buvabilité très agréable qui, allié à un vrai croquant aromatique muscaté produit un vin d'un vraie gourmandise.
Un très joli vin, très à mon goût.
Ganduiotto, crumble safrané et glace au café blanc
Un bras se pose sur mon épaule et quelqu'un me tend un verre et refile s'asseoir avant même que j'ai eu le temps de dire ouf !
Merci Fred pour ce geste de générosité vraiment sympa !
Domaine Coche-Dury, Meursault 1er cru Perrières, 2007
Robe jaune paille sans évolution.
Nez agréable, compromis de notes florales et d'un fin grillé dans un ensemble assez pointu.
Bouche à la construction impeccable, pas énorme de volume et d'intensité mais sans morsure ni déséquilibre, même après le dessert, ce qui n'était quand même pas gagné.
Le vin déroule une présence à la fois droite et fraîche, sur de jolis goûts classiques de sésame et de fleurs blanches.
La finale n'est pas interminable mais d'une vraie tenue, sur un volume plein sans grande réserve de puissance toutefois.
Très bien en l'état.
Comme l'esprit de la soirée est au partage, je fais profiter un mien ami, grand connaisseur du vin et amateur du domaine, de la dernière gorgée présente dans mon verre.
Premier coup de nez : "Coche ? ".
Je oualide !
Petit coup de langue et quelques secondes de réflexion : "Perrières ?"
Ouuuuuuuh mais y'a du client, là, attention ! Je oualide, petit chelem en cours !
Dernière gorgée pour finir le verre et annonce : "2007 ?" ! Grand Chelem !
Nom di djiou, il est fort l'animal ! Chapeau Axel !
Et ce n'est qu'un début !
Quelques soldats dignement morts au combat !
Pfiou ! Quelle soirée !
Je vous dis pas le sport que c'est que de noter les vins le carnet sur les cuisses, de prendre les photos des plats et des bouteilles l'appareil photo dans l'autre, de ne pas oublier de faire honneur à son assiette avant qu'un maître d’hôtel attentif ne vous pense allergique au plaisir et ne vous la débarrasse avec zèle.
Eh oh, scusi signore mais j'ai quand même pas l'air d'une mannequin anorexique à l'appétit aussi minimaliste que son tour de taille ?!
Et tout ça en essayant de pas avoir l'air d'un grand malade autiste enfermé dans sa bulle médiatique à gratter du papier et à mitrailler sa gamelle pendant que tout le monde profite !
Je vous jure, c'est du sport !
A tout ceux qui croient toujours que j'm'amuse, j'espère que vous apprécierez mon sens du sacrifice à la cause LPVienne.
Bon, la petite souris le sait, paraitrait même que parfois, j'en profite !
Donc vous avez même le droit de me plaindre...
Allez zou, au lit !
Car le plus sympa, c'est que demain, on remet ça !
Buonanotte tutti !
Oliv