Plus le temps passe, plus je déguste et plus j'ai la conviction de la très grande relativité des appréciations, quand bien même je pense qu'elles sont toujours absolues et non relatives même si leur rédacteur le revendique.
Je m'explique : ce qui est relatif dans tous les cas, c'est la valeur que l'on peut leur accorder, surtout quand il s'agit d'appréciations sur des vins de garde. Je m'explique encore : plus que tous autres ces vins taillés pour s'améliorer avec le temps passent par des phases très variables et surtout leur degré d'aération a un impact très important sur leur appréciation : je ne parle pas ici de l'ouverture d'un vin dans le verre après trois minutes ou plus , mais bien d'une longue aération qui peut faire changer le vin du tout au tout, c'est à dire de pas bon à plus que correct.
Pourquoi cette réaction maintenant ? C'est vrai que c'est un de mes arguments favoris mais aussi parce que je viens de vivre cette expérience ; Ouverture d'un vin hier soir - un chardonnay élevé en barriques de plus de 5 ans.
à l'ouverture, très belle expression du fruit et de sensations minérales : je suis surpris, je m'attendais à un vin très boisé. Une minute plus tard : pouah ! de la glycérine, des sensations sucrées, une belle matière, certes, mais des notes vanillées qui emportent tout : seul l'équilibre et la longueur sont très bons, mais pour le reste, c'est caricatural et c'est ce que je m'apprêtais à écrire.
Goûté ce midi : rien à voir : notes florales, poire, notamment, certes il y a du bois, mais c'est intégré et cette sensation pommadées n'est plus : si encore en finale, je trouve que la barrique est trop présente, ça se déguste drôlement bien et j'aurais sans doute écris que ce vin était très bon. Ce soir, l'impression est confirmée, le vin semble s'être stabilisé et n'annonce aucune défaillance.
Comment on passe d'un style chardonnay californien (il y en a d'excellents !) à un grand classicisme bourguignon ?
Et si j'avais été critique avec pignon sur rue, j'aurais gravé dans le marbre ma première impression et j'aurais dégommé un vin qui méritait juste un peu d'attention et de patience.
Combien de vins sont ainsi maltraités ?
Il en va de la responsabilité du rédacteur ou du détracteur ... avec les impacts que cela peut avoir.
Je crache dans la soupe ? Je décrète que la publication des notes de dégustation n'a pas de sens ? Tout le contraire ! Car la pluralité des avis donne quand même bien une direction mais j'engage quand même tout le monde à prendre son temps quand cela est possible pour donner un avis sur un vin. (quand cela est possible car en effet, dans certains cadres, ce n'est pas possible)
Tiens au fait, dans la grande foire de printemps bordelaise qui s'annonce, combien chaque dégustateur professionnel qui va donner ses notes accorde-t-il de temps à chaque vin qu'il déguste ?