Villa d'Este Wine Symposium
Édition 2015
Ouch, la nuit a été courte et mouvementée, peuplée d'éléphants roses à défenses pointues, de hululements de chouettes féroces et de bouteilles uniques mais servies bouchonnées !
Eux, les potos, dites, y'a que chez moi que la consommation modérée de jus de la treille transforme le doux Morphée en Marilyn Manson hurlant et donc mes nuits câlines en combat d'Ultimate contre l'oreiller...?
Va falloir que j'investigue le sujet. Faudrait peut-être arrêter la Badoit ? Si ça s'trouve, ça fait rouiller le sommeil, cette chose là !
C'est donc avec deux heures d'avance sur l'heure de saut dans le costard que je me retrouve, rasoir en main, à méditer sur l'avenir du monde... et s'il y aura du parmesan au petit déjeuner !
Le soleil est toujours de la partie en cet été indien et irradie la surface du lac de toute sa puissance. C'est qu'il ferait presque chaud sous la Véranda et le Président Mauss voit venir avec une inquiétude bonhomme le moment où ses ouailles vont s'éparpiller cappuccino en mains pour s'effondrer dans les douillettes chaises longues qui parsèment la terrasse face au lac.
Mais les VDEWSistes sont des gens sérieux, à la discipline chevillée au corps et une fois le délicieux petit-déjeuner passé, tout le monde rejoint à pas légers la salle où se déroulent les séminaires.
Les micros sont calibrés, le Président a le bleu au corps et parle déjà avec les mains (signe de grande forme chez lui), les traductrices sont en place pour permettre à chacun de ne rien manquer de la qualité des débats.
L'an dernier, le Symposium par une vente aux enchères avait pris sous son aile un jeune chercheur,
William Metz
, pour lui donner l'autonomie financière et lui permettre ainsi de présenter aux domaines les capacités et apports possibles en viticulture de son travail sur les drones.
Après un an à parcourir l'Europe et travailler avec des domaines aussi divers que Montrose ou Lascombes à Bordeaux, DRC ou Rousseau en Bourgogne, Trimbach en Alsace ou Dönnhoff en Allemagne dont certains ont témoigné de leur intérêt réel pour les apports de cette technologie, que ce soit pour le suivi viticultural, affiner leur connaissance du parcellaire ou même utiliser des images pour illustrer des aspects plus marketing, W. Metz a la ferme intention de capitaliser l'expérience et de monter sa société de prestation de service.
Souhaitons-lui pleine réussite !
Après un petit café, il est temps d'attaquer le second séminaire de la matinée et qui est consacré aux « Arômes des vins ».
Son organisateur, Alexandre Schmitt, est issu du monde de la parfumerie et entend initier des passerelles enrichissantes entre l'univers du vin et celui des parfums.
La richesse de ce séminaire est assez complexe à résumer ici et je tiens à disposition des LPViens intéressés par le sujet le dossier qui nous a été fourni par l'organisateur.
J'en retiendrai plusieurs points particulièrement enrichissant pour l'"oenoscribe" que je suis et qui affiche une irritation certaine à voir trop souvent le vin, qui est une boisson et dont la grandeur réside dans son équilibre, ses tanins, sa fraicheur, trop souvent réduit à ses seuls préliminaires parfumés.
Le fait frappant et assez spécifique au monde de la gastronomie et plus encore du vin, c'est la quasi immédiate volonté de verbaliser les sensations ressenties pour les transmuter en perceptions communicables !
Dès le vin travaillé dans le verre, on entre quasi instantanément dans un monde cognitif qui dépasse l'immédiateté de la simple sensation par la volonté d'échanger, de mémoriser, de comparer le plaisir individuel, personnel, subjectif, ressenti pour le confronter à celui d'un autre amateur !
Que faisons-nous d'autre quotidiennement ici que d'instaurer cet échange, de tenter d'objectiver nos myriades de sensations individuelles pour essayer d'en tirer une forme de vérité collective ?
Alors que le monde de la parfumerie a depuis longtemps codifié son univers, du classement moléculaire des arômes jusqu'à la formation de ses professionnels qui communiquent à partir de ce langage commun, le monde du vin reste toujours un univers de langage analogique.
Le vocabulaire descriptif du vin croise les univers visuels, tactiles et gustatifs pour espérer retranscrire une forme de vérité de la perception vécue et du plaisir ou déplaisir ressenti. Les attaques sont tranchantes, les textures sont sphériques, les finales pointues.
Parait même que certains vins auraient de la cuisse...
Exercice de reconnaissance d’arômes sur 5 languettes différentes.
S'ensuit un réjouissant et ludique petit passage aux travaux pratiques avec reniflage de divers molécules odorantes et confirmation que mon quart de Brie n'est pas utile que pour fumer sous la douche.
Bon, je rassure tout le monde, la présence à mes côtés de Philippe Bourguignon, une immense personnalité du monde du vin qui renvoie loin dans les vestiaires certains bavards aux titres ronflants qui n'ont pas pas le dixième de son talent et le quart de sa modestie, relativise immédiatement tout début d'hypertrophie du cigare !
Même si je m'en sors pas trop mal, attrapant à peu près 4 sur 5 des senteurs qui nous sont présentées, lui pointe avec une pertinence aussi redoutable que sidérante l'environnement aromatique de l'intégralité de ces odeurs !
Comme quoi, y'a ceux qui causent et y'a ceux qui savent... -D
François Mauss, toujours généreux envers ses convives et n'ayant pas l'intention de les voir se transformer en renifleurs de salon, a eu la bonne idée de mettre en perspective pratique la somme d'informations transmises par M. Schmidt en nous proposant un vin à la dégustation !
Château Guiraud, Sauternes, 2011
Robe sur un léger doré.
Nez riche, très jeune, sur des senteurs fruitées d'ananas rôti et de miel.
Bouche à l'attaque massive, lourde, sur une texture sirupeuse qui englue un peu le palais.
Une grande richesse concentrée étouffe en l'état une acidité que l'on sent pourtant bien présente dans un second temps.
L'aromatique très fermée participe de cette sensation de masse manquant de définition actuellement.
La finale dense est en revanche étirée par de très beaux amers qui apportent la trame qui manquait jusque là.
Un vin puissant qu'il semble urgent d'attendre pour qu'il s'affine.
Bon, c'est pas tout ça mais phosphorer des neurones et mouliner du tarin, faut reconnaître qu'au final, ça creuse.
Et si on passait à table ?
Le déjeuner du vendredi
Schwarzenbach Weinbau, Zurich, Meilener Räuschling Seehalden, 2013
Robe délicate, sur un jaune léger.
Nez fin, très agréable, sur la poire, le citron, de jolies notes minérales.
Bouche sympathique, sur une attaque tendue cristalline et une jolie aromatique franche très agréable.
L'ensemble manque toutefois de corps et se délite assez nettement à compter du milieu de bouche, en particulier sur le plat où son déficit de matière devient patent.
La finale courte reste néanmoins d'un certain charme aromatique.
Un joli vin pour l'apéritif.
Bien.
Domaine La Capitaine, Begnins La Côte, Chardonnay-Viognier Collection Agénor, 2013
Robe jaune paille.
Joli nez franc et délicat, sur la poire bien mûre, la peau d'agrumes, entre le citron et l'orange, de fines notes minérales et un boisé franc qui apportent une touche élégante et classe.
La bouche, en revanche, n'est pas du tout à mon goût, manquant d'acidité et de tenue, lourde et mollassonne, sans capacité de rebond et au boisé nettement plus perceptible qu'au nez.
La finale à l'épaisseur flasque confine à l’écœurement.
Je n'ai pas aimé du tout.
Poulpe au paprika fumé, pois cassé et cimiciurri méditerranéen
Domaine des Muses, Valais, Syrah Réserve, 2010
Robe sombre et violacée.
Joli nez droit et friand, sur un variétal bien maitrisé, sur le coulis de mûre, le poivre, l'aération libérant de jolies notes de pamplemousse.
Bouche d'une belle structure, avec du fond et un beau rythme apporté par une acidité agréable et sans excès.
Les goûts sont francs, sur les fruits noirs et un joli côté floral.
La finale encore très jeune est assez concentrée et affiche une petite fermeté tannique qui doit pouvoir se fondre à la garde.
Un joli vin.
Risotto au safran, suprêmes de pigeon et réduction de café
Ce plat, attendu de tous les convives qui connaissent l'établissement, est vraiment un délice absolu !
Cave Jean-René Germanier, Valais, Champmarais Cornalin, 2010
Marie Thérèse Chappaz à mes côtés suspecte un petit défaut de bouchon sur une première bouteille qui nous est vite remplacée.
Robe grenat pas trop sombre.
Nez marqué des notes brulées assez moches, à la limite du pneu et qui masquent vraiment le fruit.
Bouche massive, à l'épaisseur lourde et un peu sucrée, toujours marquée par un boisé écœurant.
Finale peu avenante qui se resserre autour d'une amertume certaine.
Illisible.
Cremoso araguani 70%, granité à la noisette
Un magnifique moment que ce déjeuner avec une cuisine toujours aussi délicate et précise de goûts.
Et comme le ciel est toujours au beau fixe, en avant pour une petite promenade digestive avant d'attaquer les séminaires et dégustations de l'après-midi.
A suivre.
Oliv