Que boire après ça ?
La transition est bien difficile et les dégustations dans la salle Impero ne peuvent que contenter à moitié tout en procurant un sentiment de « too much ». Mais il faut imaginer un salon où l’on va d’une table (je ne vais pas dire « stand ») où l’on présente Cheval Blanc, à une autre où l’on déguste Clos de Tart ou Bonneau du Martray, ou encore San Leonardo. La présence également des ces effervescents Anglais ou de ces vins indiens à quelque chose de surréaliste !
Le repas qui suivra ajoutera encore davantage à cette avalanche de bouteilles et de grands noms, puisque c’est le moment où chacun fait découvrir des vins qu’il a apportés. Avec Oliv, on l’a joué réellement « LPV au WWS » et je crois qu’on la bien réussi ! Je pense d’ailleurs que François Mauss n’aurait pas boudé ce plaisir-là s’il avait été à notre table : Le sec de Clos Thou 2010, le Prieuré Saint Christophe Prestige 1989 ou le liquoreux de Rotier 2005, ont montré que les étiquettes aimaient la cohabitation sans rougir …
Un nouveau jour se lève déjà : cette journée s’annonce très belle !
WWS, Villa d’Este jour 3
Le temps est maussade ce matin, mais cet endroit peut-il être maussade ? Même dans ce gris, la beauté est différente, mais pourtant bien réelle, presque plus touchante encore, avec ce brouillard sur le lac, ces parapluies ouverts, ces gens qui courent, qui se hâtent plus qu’à l’accoutumée. Le gris est finalement et définitivement la plus belle de couleur car c’est la plus riche de ces nuances. C’est la couleur du juste milieu où tout n’est jamais blanc ni noir.
A n’en pas douter l’un des rendez-vous important de la matinée est cette conférence à quatre main, tenue par
Olivier Duha et Hubert de Boüard. Olivier Duha est un jeune entrepreneur talentueux, un modèle de grande réussite, créateur de la société webhelp qui emploie aujourd'hui 10 000 personnes. Il est là pour tenter d’expliquer ce que lui ferait, s’il était producteur pour développer la croissance de son domaine. Hubert de Boüard, lui vient de montrer par le nouveau classement de Saint Emilion qu’il incarne d’une certaine façon la réussite dans le monde du vin.
Une fois surmontée la difficulté d’entendre parler d’industrie dans le domaine du vin, ce que d’ailleurs Hubert de Boüard a corrigé en parlant d’artisanat, le fond de cette conférence admirablement menée est bien posé ; Il y a loin du savoir faire au faire savoir. Faut-il croire pour autant que le salut ne viendra que par le développement des marques ? Pour l’amateur passionné, c’est tout un pan de sa conception du monde du vin qui s’écroulerait alors cédant la place où justement la passion serait moins présente.
A la vision commune de l’approche du marketing par la règle des 4 P (produit, prix, promotion et place), Olivier Duha explique que le marketing en matière de vin est quelque chose de totalement à part et lui y ajoute un P qui est celui de Parker. La question fondamentale qui s’est longtemps posée, à savoir si Parker était une menace ou une opportunité pour le monde du vin est remplacée par celle plus cruciale du moment : qu’y aura-t-il après Parker ?
Et une fois de plus, on revient à la thématique déjà abordée la veille sur l’importance de la critique. Faut-il un messie ou bien cette place laissée libre (elle ne l’est pas encore tout à fait quand même) va-t-elle être prise par les réseaux sociaux et l’Internet ? C’est clairement ce qui a été posé lors de cette conférence avec un Olivier Duha qui sommait les producteurs présents de s’ouvrir à ce mode de communication. Un moyen, selon lui efficace est l’application de la méthode Net Promoter Score (NPS) qui représente la réponse de satisfécits, obtenue à la question « dans quelle mesure recommanderiez-vous la marque x ? ». Dans un positionnement de 0 à 6, on est détracteur, de 7 à 8, on est passif et on devient promoteur si cette réponse est notée de 9 à 10.
Mes remarques très personnelles, un peu nombrilistes et d’autosatisfaction, mais finalement pas tant que ça :
- si on applique à ce taux de satisfaction des décimales et que l’on multiplie par 10, on obtient une note sur 100
- Les réseaux sociaux et LPV notamment (et en premier lieu) fonctionnent déjà comme un bon indicateur de NPS même s’il ne peut-être réduit à cela
De là à dire pour répondre à la question posée plus haut : qu’y aura-t-il après Parker ? J’ai envie de répondre que l’on pourrait bien passer d’un modèle USA à un modèle USB …
Bien loin de cette notion de marque, me semble-t-il … Dans une très grande sincérité et avec beaucoup d’humilité, Aubert de Villaine nous explique, en introduction à la dégustation qui aura lieu cet après midi, à la fois l’histoire de la Romanée Conti mais, aussi, comment lui aujourd’hui marque de son empreinte, par la philosophie qui l’anime, son passage sur ce qu’il considère comme un lieu d’exception.
Cette histoire et cette présentation est connue de la plupart des amateurs de vins mais ce qui est vraiment marquant dans cette explication, c’est qu’elle s’arrête au moment où le raisin est rentré dans les chais. Comme si après, cela avait moins d’importance, mais peut-être après tout est-ce un secret … Mystère. J’essaierai d’approcher cette personne attachante pour lui en demander la raison de ce choix qui m’intéresse finalement plus que ce qui se passe réellement dans les chais …
En attendant, je compte les minutes qui nous séparent de ce moment tant attendu, où finalement j’ai hâte de me retrouver, non seulement pour goûter les vins, mais aussi pour savoir comment je vais réagir face à cette dégustation, avec tout le poids de ce mythe, mais aussi ce qui pèse dans mes opinions face à une telle mythification. J’aimerais être capable de ne me concentrer que sur le vin. C’est donc un double rendez-vous qui attend chacun des dégustateurs qui aura la chance de participer à ce comparatif Richebourg Grands Echezeaux.
On l’avait presque oubliée bien qu’elle fut très intéressante grisés que nous étions par l’imminence de la dégustation DRC, cette conférence sur la traçabilité des expéditions de vin, par un système mis au point par la société américaine « eprovenance » (
www.eprovenance.com/...?).
Eric Vogt présentait le dispositif et son principe. Le projet de départ était de vérifier les variations des températures subies par les vins lors de leur acheminement souvent lointain. Le constat est édifiant ; il n’est pas rare que les caisses de vins subissent des températures au-delà de 35 degrés. La mise en évidence de ce constat a déjà en elle-même vocation à modifier ce qui peut l’être pour remédier à ce problème. Même si le conférencier n’a pas expliqué réellement le ou les dommages causés, même si évidemment pour son business il a tendance à les trouver d’une extrême gravité, le concept est intéressant et dépasse largement le monde du vin. On peut par exemple penser que cela peut intéresser l’industrie chimique ou pharmaceutique, ou encore la médecine quant à l’acheminement d’organes.
Mieux encore, ce concept, a permis de développer une traçabilité relativement fiable du trajet et de la localisation d’une livraison à l’instant t, non pas en utilisant le système GPS, mais le système GSM, précis à au plus deux kilomètres près.
Ces procédés peuvent s’appliquer à la palette de vin, à la caisse, tout comme à la bouteille avec des batteries qui peuvent tenir quinze ans ! Des applications de « smartphones » permettent de lire et de recueillir les informations.
Si le coût annoncé du dispositif, 20 euros environ, semble intéressant, bien entendu uniquement pour les vins de grande valeur marchande, il n’est pas dit combien coûte la gestion et l’exploitation des résultats.
Cependant, ce qui n’est pas dit non plus et qui devra trouver solution est de savoir ce qui va se passer en cas de litige avéré : qui va fixer le préjudice, qui va le reconnaître et qui va surtout en être responsable.
Quoi qu’il en soit, il est certain que ce dispositif qui en est à ses balbutiements trouvera un avenir certain, et que l’on peut s’attendre à la miniaturisation du système tout comme à la baisse du coût et qu’à terme, une réelle traçabilité sera possible et que les questions encore en suspens trouveront leurs réponses.
Dégustation comparative Richebourg et Grands Echézeaux, du domaine de la Romanée Conti.
J'ai interrogé Aubert de Villaine sur les raisons qui l'ont poussé dans sa présentation à s'arrêter à l'entrée du raisin dans le chai.
Comme on pouvait s'y attendre, il considère que l'essentiel est déjà fait à ce moment-là ; il s'agissait donc bien là d'un choix délibéré.
L'heure de cette dégustation comparative est arrivée et c'est bien fébriles que nous attendons sous les ordres du starter le début de cette dégustation.
Domaine de la Romanée Conti Grand Echézeaux 2009 :
La robe est carmin violine. Le nez est ouvert sur des notes de cuir de Russie avec un côté floral évanescent. C’est un parfum raffiné qui exprime à l’aération du cacao, de la datte. La bouche est veloutée et suave mais avec une note terreuse curieuse en milieu de bouche qui me gêne un peu en terme de netteté. Belle finale sur les fruits rouges. 89/100
Domaine de la Romanée Conti Richebourg 2009 :
La rob est un peu plus tuilée, elle présente un tout début d’évolution. Le nez est d’abord boisé, corsé, retord et fermé. Il s’ouvre à l’aération sur une dominante épicée. En bouche, c’est un vin qui a du corps, une structure marquée et des tanins bien présents. Grand équilibre frais et superbe finale. C’est très long. 93
Domaine de la Romanée Conti Grand Echézeaux 1999 :
La robe est sombre, profonde, sanguine avec une belle concentration. Le vin est marqué par des notes de pain d’épices avec une netteté que j’aimerais sans doute plus affirmée. C’est un vin dense et charnu, qui me donne tout de même le sentiment d’une légère oxydation. Si la finale est longue, le grain ne me semble pas des plus serrés. 88
Domaine de la Romanée Conti Richebourg 1999 :
La robe est très sombre, très concentrée, elle impressionne dans la série, c’est la plus soutenue. Le nez est discret, très net cependant avec un côté épicé et corsé. C’est un vin dessiné, très saillant et complet. Un grand équilibre sous un grand relief. Superbe finale minérale. C’est un grand vin. 97
Domaine de la Romanée Conti Grand Echézeaux 1979 :
La robe est évoluée, brunie, tuilée. Le nez est d’abord très légèrement animal puis davantage fruité à l’aération, également sur le cuir et la réglisse. La bouche est d’une bonne évolution, sapide avec des tannins bien marqués mais surtout une grande fraîcheur qui porte longtemps la finale. Très bon à excellent. 95
Domaine de la Romanée Conti Richebourg 1979 :
La robe est tuilée. Le nez est superbe, clairement sur le bouquet avec des notes de santal, d’épices, de cacao. Le vin en bouche est puissant avec une note de truffe bien marquée. Il fait montre d’une grande élégance. La longueur est exceptionnelle et signe un grand vin. 97
Domaine de la Romanée Conti Grand Echézeaux 1966 :
La robe est tuilée, mais avec encore de la profondeur. Le nez est marqué par la truffe. La bouche est jolie, suave et la truffe se retrouve. La finale est très élégante mais un peu plus courte que celle des vins précédents. C'est un vin raffiné à la belle fraîcheur. 94
Domaine de la Romanée Conti Richebourg 1966 :
Le verre servi est bouchonné et il est remplacé. La robe est légère, tuilée. Grand nez sur la rose, la violette, l’olive qui évolue sur la truffe à l’aération. La texture en bouche est grandiose et le vin se fait incroyablement gourmand. C’est un vin d’une finesse superlative et d’une vigueur rare. Très grand vin. 97
Domaine de la Romanée Conti Bâtard-Montrachet 2007 :
Robe dorée aux légers reflets verts. Le nez est boisé avec une pointe de minéral crayeux. En bouche le vin est très large et c’est à peine si on perçoit une très légère perle. Si j’avoue volontiers les qualités de ce vin texture, structure, équilibre, je trouve que l’élevage prend le dessus sur toute expression aromatique et c’est un style auquel je n’adhère vraiment pas.
Selon moi, dans tous les millésimes, Richebourg domine les Grands Echézeaux. Ce vin est également d'un style différent, plus dessiné, plus saillant avec une composante épicée. Cependant, dans les deux vins, au vieillissement cette belle note de truffe apparaît. On remarque aussi que si un caractère plus viril marque le Richebourg dans sa jeunesse, ce n'est peut-être pas sur ce critère que se fait l'opposition au vieillissement, en tout cas sur le 1966, d'une grande sensualité.
Au sujet du blanc, je dois avouer que je suis sans doute le seul à ne l'avoir guère apprécié.
Jour 3 Suite
Le WWS récompense chaque année une personnalité du vin pour son œuvre, son aura, son charisme, la qualité de son travail. Pour cette première initiative, ce prix revient cette année à
Helmut Dönnhoff, producteur de la Nahe. Juste avant la remise de ce prix, j’ai eu la chance de m’arrêter un instant à sa table pour goûter les vins qu’il présentait. Je ne connais pas l’homme et j’imagine bien que pour être ainsi consacré, il faille qu’il soit vraiment quelqu’un de remarquable, mais tous les vins que j’ai goûtés partagent une grande distinction aromatique, une précision, une netteté et une classe remarquable, à commencer par le Riesling le plus simple de la Weingut, un vin très tendu, minéral sur des aromatiques floraux. L’Auslese Obenhäuser Brücke riesling 2003 servi au repas était un grand vin.
photo wine doctor