Bon.
Je me suis longtemps posé la question de l'opportunité de participer à cette discussion. Et comme c'est plus fort que moi...
Pour côtoyer assez fréquemment notre FGSuperfred, je crois qu'il est victime de plusieurs faits qui, accumulés, lui posent les problèmes dont il vient de nous faire part.
Je ne serai ni juge, ni moralisateur. D'une part parce que ce n'est pas le lieu, d'autre part parce qu'il est assez grand pour avoir ce qu'il doit faire.
Non. J'essaierai seulement de tenter un diagnostic et de proposer quelques thérapeutiques puisque c'est bien ce qu'il nous demande.
A la base, je crois qu'il y a une passion sincère qui l'amène à ne plus savoir prioriser ses achats. Je vais tenter un parallèle imagé avec Tucco dans
Le bon, la brute et le truand.
Après de nombreux sacrifices, après avoir réchappé d'un duel avec Lee Van Cleef, Tucco accède enfin au cimetière dans lequel reposent - 6 pieds sous terre - 100 000 dollars. La caméra virevoltante de Sergio Leone filme un homme ivre, courant dans ce cimetière comme un poulet auquel on aurait coupé la tête. Plus Tucco court et plus il est saoûl, sans repère, sans but. Et nous avec lui. Le temps n'existe plus.
D'ailleurs, plus rien ni personne n'existe hormis cet or. Il n'arrive plus à faire la part des choses et se consume jusqu'à ce que le Bon, qui porte bien son nom, le stoppe dans sa course effrénée et lui permette de trouver le Salut.
Mon Frédo, tu ne joues ni du Colt ni du Remington mais, finalement, tu recherches les bouteilles comme Tucco veut trouver son trésor. Je ne peux pas t'en vouloir. Personne ne peux t'en vouloir. C'est là le prix de la passion. Nous avons tous les nôtres. Mais si nous arrivons à acquérir ce qui nous fait plaisir, nous avons également nos frustrations.
Je ne veux pas généraliser, mais je crois que nous sommes nombreux sur ce forum à attendre le jour béni où nous tremperons nos lèvres dans un calice contenant quelques centilitres de Romanée-Conti. En attendant, nous vivons avec ce manque tout en gardant l'espoir d'un jour passer à l'acte.
Tu nous l'as dit, ce n'est pas un problème d'argent. Plutôt cette irrépressible envie de découvrir, de collecter, d'offrir ou de s'offrir. Il y a dans cet acte la recherche du plaisir personnel. Certains s'offrent un joint ou un rail de cocaïne, d'autres se paient une grosse voiture de sport. Dans l'achat, il y a bien souvent une notion de récompense:
"J'ai bossé durement, je mérite de me faire plaisir" ou, version marketing mais finement trouvée :
"L'Oréal, parce que je le vaux bien".
Le problème est de déterminer jusqu'où on peut mettre le curseur : taille de la cave, priorités familiales, compte en banque, dépenses à venir ou imprévues...
Toi, tu fais avec tes moyens et tes priorités. Ton Graal est ailleurs, dans le goût, la sensation, le plaisir tactile et la sensualité d'une grande bouteille arrivée à maturité. Et si au détour d'une dégustation tu vois les yeux de tes convives briller, ta satisfaction n'en n'est que plus grande. C'est là ton deuxième problème : l'envie de faire plaisir, au dessus de toute autre considération. Tu ne recherches pas la reconnaissance. Non. Seulement le bien-être de tes amis, même si, pour celà, tu dois y laisser un bras. Comment pourrions-nous t'en vouloir nous qui, pour la plupart, avons le même dessein ?
Faut-il nous offrir un moment d'anthologie comme celui que tu nous as offert il y a 15 jours pour que nous ayions de l'estime pour toi ? Je ne le crois pas. Personne, au sein de notre cercle ne te juge pour ce que tu as, mais pour ce que tu es. Si nous sommes honorés que tu ouvres de belles bouteilles à notre attention, nous savons également nous satisfaire de petites pépites à quelques euros. Il y en a un, parmis nous, qui est coûtumier du fait. Vaut-il plus ou moins que toi ? Nous t'estimons autant que lui et lui autant que toi.
Mon Frédo, tu n'es pas un buveur d'étiquettes. Ceux qui te connaissent et qui lisent ton blog le savent bien. Pour autant, faut-il collectionner tous les Rousseau, Raveneau ou Dauvissat de la Terre pour être heureux ? Ne t'en déplaise, la collection n'engendre que frustration. Quel est l'intérêt d'encaver des horizontales entières et de multiplier les verticales ? Boiras-tu tout ? Envies-tu Michel Chasseuil et son projet de musée du vin ? Si tu as répondu au moins une fois non à ces questions, alors tu es mûr pour réduire le volume de tes allocations. Ou alors, ne conserver que ce qui te paraît essentiel. Les opportunités se présenteront, ne t'inquiète pas. Et si tu recherches un vin précis, je crois que tu as de quoi échanger, non ?
Mon Frédo, tu t'en sors, mais il y a des fois où c'est plus dur que d'autres. Comment repartir ? Il y en a qui font des régimes. D'autres qui arrêtent de clopper. Fixe-toi un objectif. Passe 3 mois sans acheter la moindre quille. Lâche ton ordinateur et emmène ta famille manger une moules-frites à Etretat. A l'occasion, passe boire un verre sur Rouen ou Louviers. Change d'horizon ou de centre d'intérêt quelques temps et tu verras... Laisse tomber le Salon Normand du vin cette année ; ce milieu où la philanthropie est plutôt rare. Et dis-toi bien que ce n'est pas parce que certains domaines ne te verront pas qu'ils mettront la clef sous la porte.
Pour finir, je te suggère de te poser cette question, que je me suis moi-même posée :
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"Puis-je bâtir ma vie sur le vin et la passion du vin" ?
En toute amitié, mon Frédo. Nous avons encore de beaux jours devant nous
-D